Former autrement pour entreprendre solidairement
Leçon 11 Le plan d’affaires
Dans cette leçon :
11.1Nécessité du plan d’affaires
La stratégie de l’entreprise sociale, qui découle de sa mission et de sa vision, se schématise d’abord dans son modèle stratégique (voir « Le modèle économique et social de l’entreprise sociale »), qui donne la substance du projet d’entreprise et permet de le communiquer de façon condensée à tout partenaire externe.
Elle s’exprime ensuite dans un plan d’affaires qui traduit le modèle stratégique en termes détaillés. Ce plan a diverses fonctions :
•Il sert de feuille de route à l’entrepreneur en lui rappelant l’ensemble des tâches et des opérations qui sont à l’ordre du jour, pour les coordonner, sans en négliger aucune.
•Les détails du plan d’affaires achèvent de confirmer le réalisme du projet et du coup permettent de convaincre définitivement tout partenaire externe, notamment pour le financement.
•Il constitue un préalable pour pouvoir estimer le plus précisément possible les coûts et les revenus du projet, donc sa rentabilité financière. Or cette rentabilité, ou du moins la possibilité raisonnable que les revenus de l’entreprise puissent à terme au moins couvrir ses frais, constitue une condition de la durabilité du projet. Si la conclusion est négative. mieux vaut peut-être ne pas lancer le projet.
11.2Caractéristiques
Une entreprise poursuit une multitude d’objectifs. Mais il y a une règle : à tout moment, il y a toujours un seul ou très peu d’objectifs qui sont vraiment prioritaires, et dont l’atteinte permet la poursuite des autres objectifs. Le stratège est celui ou celle qui peut pointer vers cet objectif principal. En même temps, il définit des objectifs secondaires pour préparer le prochain coup.
Le plan d’affaires fixe ces objectifs prioritaires, qui doivent pouvoir autant que possible se qualifier de MALINs (SMART en anglais), c’est-à-dire qu’ils sont :
•Mesurables : on peut dire si l’élément a été atteint ou non.
•Atteignables : l’élément doit être réaliste et possible.
•Limités dans le temps et dans l’espace : dans quel laps de temps et sur quel territoire l’élément peut être réalisé.
•Identifiables : tout le monde doit comprendre l’élément de la même manière.
•Négociables : il est possible de revoir le niveau d’exigence de l’élément à la hausse ou à la baisse.
Un général partant en guerre sans aucun plan le plus détaillé possible court à la défaite. Mais aussitôt les hostilités démarrées, un évènement imprévu, une réaction non calculée de l’adversaire, viennent bouleverser le plan initial.
De la même façon, l’art de la stratégie impose à l’entrepreneur d’être attentif aux évènements nouveaux et de savoir les interpréter du point de vue de son modèle d’affaires. Car chaque jour apporte son lot d’imprévus, sous forme de menaces, d’obstacles, de nouvelles opportunités, de problèmes non résolus.
Cette réalité a deux conséquences :
•L’adaptation aux circonstances
Le plan d’affaires a la forme d’un modèle idéal qu’il s’agirait de suivre pas à pas. Mais en raison des circonstances, le plan d’affaires ne peut s’exécuter qu’en tenant compte des possibilités et des contraintes du lieu et du moment. La pensée stratégique chinoise utilise l’image de l’eau qui contourne les pierres pour frayer son chemin. Mais le plan reste nécessaire pour savoir si l’eau va dans la bonne direction.
•L’ajustement du plan d’affaires
Les imprévus sont l’occasion de remettre en cause tel ou tel élément de son plan d’affaires, d’en révéler des lacunes, et donc de l’améliorer. Un plan d’affaires n’est pas un document définitif, mais un brouillon en constante révision. Autant un plan d’affaires est nécessaire, autant il ne constitue toujours qu’une hypothèse de travail modifiable à tout moment, voire à rejeter au bénéfice d’une autre.
Autrement dit, l’entrepreneur social est toujours en mode de « Trouver son idée d’entreprise ».
11.4Structure
Le plan d’affaires comporte deux parties : la description textuelle détaillée du projet et les prévisions financières. La présente leçon ne concerne que la partie textuelle. La partie financière, présentée sous forme d’un chiffrier, est traitée à la leçon 13 « Les prévisions financières » .
Le texte du plan d’affaires n’a aucune obligation d’être long ni de suivre un plan particulier. Sa forme peut varier : texte structuré, diaporama, didacticiel, etc. L’important est que toutes les questions pertinentes soient abordées et que les réponses soient données.
Cette Table des matières d’un plan d’affaires liste et organise les sujets importants qui peuvent y être abordés (selon le projet certains sujets ne sont pas pertinents). Cette table peut servir de liste de contrôle et aider à la rédaction, que le texte soit rédigé par l’entrepreneur ou par un consultant sous sa dictée.
Le plan d’affaires comporte les sections suivantes.
Introduction
•Bref résumé avec tous les points essentiels (une page maximum à rédiger à la toute fin).
•Présentation de l’entreprise (historique, situation actuelle, mission et vision).
•Coordonnées de la personne contact de l’entreprise.
Contexte et opportunité
•Contexte social, environnemental et industriel où se déroule le projet avec les problèmes non résolus qui y sont rencontrés.
•Opportunité d’affaire découlant de la nécessité d’une solution à ces problèmes.
Solution proposée
•« Le modèle économique et social de l’entreprise sociale »
•« L’étude socio-économique et environnementale »
•Justification stratégique (« L’analyse stratégique »)
•Justification sociale (bénéfices et impacts en bref)
TAM, SAM et SOM sont des acronymes représentants différents sous-ensembles d'un marché.
•TAM : le marché total disponible (Total Available Market en anglais) est l'ensemble de la demande, même mondiale, sur le marché pour un produit ou service.
•SAM : la part de marché accessible (Serviceable Available Market) est la partie du TAM se trouvant à portée géographique.
•SOM : la part de marché capturable (Serviceable Obtainable Market) est la portion du SAM qui peut réalistement être conquise à court terme, compte tenu notamment de la concurrence.
SOM indique l’objectif de ventes à court terme. Pour l’investisseur, c’est le plus important car il permet d’estimer le risque de l’investissement.
SOM/SAM donne la part de marché à court terme.
TAM montre le potentiel à moyen/long terme.
Plan marketing
•Gamme des produits et services offerts (caractéristiques, avantages, innovations, marques, étiquettes).
•Communication et promotion : message et slogan répondant aux attentes et à la perception de la clientèle, média de communication (publicité, digital, évènements, etc.).
•Réseau de distribution et points de vente pour l’accès à l’offre.
•Politique de prix pratiquée.
Produits ou services?
Un bien offert peut être soit un produit, soit un service, soit les deux. Par exemple : pour offrir une formation sur un sujet, un didacticiel en ligne est un produit, un cours en présentiel est un service. Que préférer?
Stratégiquement, l’offre de produits, à la place de, ou accompagnée de, services, peut donner de meilleures chances de pérennité à l’entreprise qui ne dépend plus alors de la présence de travailleurs spécialisés.
Cela n’est pas une règle. Un mixte est possiblement la meilleure solution avec un produit accompagné d’un service complémentaire.
Concurrence
•Catégories de concurrents : ennemis (monopoles internationaux, entreprises locales « compradores »), alliés circonstanciels (petites et moyennes entreprises capitalistes locales), amis (entreprises partenaires potentielles);
•Produits concurrents ou de substitution avec leurs avantages et faiblesses.
•Avantages distinctifs de l’offre par rapport à celle des concurrents :
•nouveauté du produit ou du service;
•amélioration d’un produit ou service existant;
•satisfaction d’un besoin ignoré à ce jour;
•solution d’un problème connu;
•couche sociale visée non desservie à ce jour;
•prix inférieur grâce à un procédé de fabrication plus efficace et moins coûteux;
•meilleure accessibilité due à un meilleur réseau de distribution, une méthode de livraison, des moyens de paiement.
Plan opérationnel
Achats
•Matières premières et autres intrants à stocker et à commander auprès de fournisseurs identifiés et fiables.
Production
• Quantités produites prévues.
•Chaîne de production à mettre en place :
•local à aménager,
•équipements à installer,
•technologies à maîtriser,
•travailleurs à former,
•processus métier à modéliser,
Un outil puissant pour la modélisation du processus métier est la norme internationale pour la cartographie des processus métiers (Business Process Management Notation).
Voici un exemple de modélisation d’un processus métier.
La chaîne de production doit pouvoir démontrer :
•l’efficacité (quantité produite dans les délais),
•le contrôle de qualité (par rapport à des normes),
•l’efficience (meilleure économie des ressources pour le résultat),
•une empreinte écologique calculée.
•recherche-développement.
Commercialisation
•Méthodes et outils de sollicitation commerciale : téléphone, publipostage, réseaux sociaux, foires, documentation, logiciel de suivi de clients, etc.
•Livraison des biens aux distributeurs et aux points de vente
•Service après-vente.
Solidarité sociale
Dans le capitalisme la répartition des biens produits ne s’effectue que par le marché, par le jeu de l’offre et de la demande. Ce mécanisme a pour effet que seuls ceux qui ont la capacité de payer accèdent effectivement aux biens.
Pour contrer les mécontentements que ces inégalités engendrent, le capitalisme a inventé la « responsabilité sociale d’entreprise (RSE) ». En saupoudrant quelques prébendes, les entreprises capitalistes peuvent ainsi couvrir d’un voile de bonne réputation leur recherche insatiable de profits : c’est du social washing.
L’entreprise sociale n’a pas besoin de ce subterfuge puisque par définition et intégralement elle est socialement responsable. Ceci dit, tant que la disponibilité et la gratuité universelles des biens ne se seront réalisées, des iniquités dans la répartition des biens perdureront et certaines populations en situation précaire (handicapés par exemple) doivent faire l’objet d’un support particulier. Une entreprise sociale se doit donc d’avoir une action de solidarité sociale en affectant une partie de ses ressources (en temps, argent, matériel, etc.) à des œuvres philanthropiques.
Plan de gestion
•Formalités d’enregistrement et de déclarations :
•juridiques (statut, RCCM, NINEA, permis),
•bancaires (avec compte en ligne),
•assurances sociales : réalisées avec des produits d’assurance islamique (takaful) lorsque disponibles,
•fiscales (déclarations mensuelles et annuelles de TVA, impôts).
•Conditions de travail : formation, santé-sécurité, congés et absences, parité hommes-femmes.
•Rémunérations : revenu maximum et écart maximal des rémunérations.
•Procédures d’achats.
•Système comptable.
•Ressources informatiques (ordinateurs et logiciels).
•Organigramme montrant la division et la coordination du travail entre les services internes.
Voir cet exemple d’organigramme.
Plan d’action de démarrage
•Chronogramme des opérations initiales.
Voir cet exemple de chronogramme.
•Diagnostic de l’entreprise : lacunes et faiblesses, objectifs et activités de renforcement.
Pilotage
•L’équipe entrepreneuriale : composition, qualification, complémentarité.
•Les institutions internes et le processus décisionnel dans l’entreprise.
Voir leçon 12 « Le plan d’organisation démocratique »
Impacts sociaux et environnementaux
Ces bénéfices et impacts étant la raison d’être de l’entreprise sociale, une telle section s’impose en conclusion de son plan d’affaires, section absente dans les plans d’affaires d’entreprises capitalistes.
Voir Leçon 15 « L’évaluation »
Exercice : Remplissez ce formulaire de plan d’affaires
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